L’essentiel, plus que jamais

Se présenter une première fois, c’est proposer un projet, une vision en espérant qu’ils soient partagés par le plus grand nombre. Se représenter, c’est la force de l’engagement et de l’envie de tout ce qui reste à accomplir. C’est aussi s’interroger à la lumière d’un bilan. Avec l’aide d’une équipe formidable et de l’ensemble de la Communauté universitaire, j’ai accompli une large part des engagements que j’avais pris, malgré les nombreuses crises étonnantes à travers lesquelles l’Université est passée (la pandémie, les guerres, la hausse des prix de l’énergie, les budgets impactés…). J’ai aussi acquis une connaissance plus fine des enjeux et des moyens. Certains projets ne sont pas achevés et il me semble plus important que jamais de les réaliser, dans la continuité.

Cette expérience, ce socle de projets aboutis, l’équipe qui m’entoure, mais aussi les nouveaux défis : tout cela m’a décidée à me présenter pour un second mandat.

En 2020, le fil rouge de mon programme était : « revenir à l’essentiel ». Maintenant que nous y revenons, il faut tracer les voies de la reconstruction et du développement, à partir de ce noyau.

Un noyau essentiel que la multitude de crises que notre monde affronte chaque jour a grossi considérablement, rendant à la fois les défis plus complexes et leur résolution plus impérative que jamais. Non pas l’un ou l’autre ; tous sont interconnectés, et la solution doit être globale.

Notre monde, notre civilisation est métastasée. Face à ce fléau, la tentation du repli sur soi ou du renoncement est forte, autant que celle du court-termisme. Même le monde politique y succombe en partie. Mais s’il est un bastion qui n’a pas le droit de se replier sur lui, de renoncer ou de ne pas voir, c’est l’Université. Elle ne peut renoncer. C’est son terreau, son ADN.

L’Université libre de Bruxelles, que j’ai l’honneur de diriger depuis 4 ans, a des atouts exceptionnels pour assumer cette responsabilité. Mon premier mandat m’a permis de les découvrir tous, de les développer et de les multiplier, avec le soutien de toute notre Communauté. Car le combat que nous menons doit être collectif : la communauté de notre Alma Mater, mais aussi celle des universités belges et du monde, avec lesquelles nous devons coopérer.

Ses atouts sont menacés en partie par les désengagements du politique de la recherche et de l’enseignement supérieur et les réalités socio-économiques de notre ancrage bruxellois. La « massification » fragilise nos ressources humaines, nos infrastructures et notre organisation et nous impose de trouver un équilibre entre deux priorités : être un ascenseur social sans renoncer à l’idéal de la recherche et de l’enseignement. Cet ascenseur doit monter toujours, et ne jamais descendre.

Une autre contrainte que nous devons juguler : celle qui vise notre autonomie. Certes, dans les textes, l’ULB est autonome mais dans les faits, la tutelle de l’État n’a cessé de s’accroître, que ce soit sur le plan financier ou organisationnel ; les universités de la Communauté française se placent au bas de l’échelle européenne de l’autonomie académique et financière[1]. La loi de financement est une absurdité que je dénonce depuis 4 ans ; je continuerai à le faire sans faiblir, car elle crée une concurrence aux conséquences qualitatives désastreuses, comme je continuerai à défendre une nouvelle législation.

Notre société change, et l’université se doit d’être le laboratoire de ces mutations vitales, tant au niveau scientifique que social ou économique. Accompagner, susciter, enseigner, chercher : qu’il s’agisse de la transition socio-écologique, de l’explosion des IA ou encore de l’indispensable sursaut démocratique face à la montée implacable des extrémismes et des réponses simplistes, l’Université doit être omniprésente pour accompagner les acteurs socioéconomiques et politiques, pour susciter des réflexions et des recherches, pour enseigner de nouveaux équilibres entre l’humanité et la nature autant qu’entre les individus ou entre les nations.

Nous sommes ancrés dans le monde, mais nous sommes aussi ancrés dans la ville et la région bruxelloises. Tout autour de nous, l’extrême droite remonte et les capitales qui, comme Paris ou Berlin, symbolisaient le progrès perdent aujourd’hui de cette énergie qui a relancé l’Europe. Bruxelles est la capitale la plus diversifiée d’Europe, à tous points de vue : culturel, social, ethnique. À cheval entre les mondes anglo-saxons et latins, nid des institutions européennes, elle est LE laboratoire des pluralités. Locale et mondiale, « golcanal »[2] et « glocal »[3] à la fois, elle est le lieu où plongent nos racines et d’où nos branches se ramifient à travers le monde, en lien étroit avec la VUB, les communes, la ville, la région et les institutions européennes.

« Pouvoir être ce que l’on veut être » : c’est par cette phrase que nos étudiantes et étudiants résument ce qu’ils ressentent, en vivant sur nos campus. Notre culture universitaire se fonde d’abord sur des valeurs et engagements forts : le respect, la nuance, la diversité et l’émancipation. Le libre-examen. Grandir et apprendre sans se sentir jugé par personne ; partager des infrastructures conviviales et accueillantes, où le savoir côtoie la culture, à travers des expositions, des concerts, des débats, des animations. C’est sur cette base que nous pouvons bâtir une citoyenneté consciente et active.

Il reste tant à faire. Ensemble !

Vous trouverez ici le bilan de ces presque 4 années de mandat et les perspectives et priorités à venir.

Je serai ravie d’en discuter avec vous et de m’enrichir toujours à votre écoute.

Bonne lecture à tous et toutes !

 

[1] Voy. la dernière étude de l’EUA.
[2] L’expression est de Antonio Loprieno.
[3] L’expression est de Eric Corijn.